Extrait :« Je ne conseille à personne davoir un jour mon enfance. Même unmeurtrière ne la mérite pas. Mon père avait un sexe, je le voyais souventIl avait enlevé les rideaux de la porte vitrée de sa chambre. Mais il llaissait ouverte à deux battants pour plus de sûreté. Ma mère étairarement sur le lit, il préférait coucher avec dautres femelles. Je mréfugiais dans un recoin obscur où je navais pas besoin de me boucheles yeux. Jenfonçais un doigt dans chaque oreille pour ne rien entendreJe chantonnais pour massourdir quand il se mettait à crier trop fortEntre deux rounds, il fouillait la maison sexe à lair. Il me retrouvait afond dun placard, sur le balconnet de la cuisine, ou dans le vieux frigabandonné au fond du jardin- Allez, viens, idiote. Si la voisine me voit à poil, elle va faire toute unhistoireIl me baffait, il me donnait un coup de pied pour me faire avancer pluvite. Il mapportait dans la chambre comme une caméra qui conserverlépisode dans sa mémoire jusquà son recyclage. Il minstallaitquelques pas du lit. Il me demandait de me rapprocher quand il avaibesoin dun gros plan. Les femmes se rhabillaient rarement. Les plubégueules faisaient semblant de ne pas me voir. Je me souviens dunfille très blanche aux cheveux noirs qui ma demandé de ranimelérection de mon père- Tu veux que jai des ennuis avec les flics- Elle ne dira rien- Tu la fais pleurerJai couru jusquau square. Jai plongé ma tête dans le bac à sablcomme à lécole on nous avait dit que faisaient les autruchesMa soeur avait un an de plus que moi. Elle ne lintéressait pas. Jlenviais dêtre laide »Né en 1955, Régis Jauffret est l'auteur de nombreux romans, donClémence Picot, Univers, univers (Verticales), Asiles de fousMicrofictions, Lacrimosa (Gallimard)