Le siroco, en cédant la place au meziornu, l'avait fait passer au large du port de Maginaghju, où on l'aurait sans doute repêché, et longer le long de la baie de Tamarone. Son corps ne put toutefois éviter les îlots de Finuchjrola contre lesquels il alla buter, passant de l'un à l'autre, cognant les rochers, pris dans un piège sans issue mais le levante, le vent d'est, se leva à point pour l'en délivrer. Combien de fois heurta-t-il les anfractuosités de la rade de Santa Maria, combien de temps y resta-t-il prisonnier, poids mort ballotté, avant que ne se déchirât un pan de sa veste et qu'il aboutît à la Cala Genovese, à l'anse génoise, puis à la Cala Francese, à la crique française ? Dévier. Certains - faut-il les admirer ou les plaindre ? - ignorent ce que c'est. Pris, dès leur plus jeune âge, dans un conduit rigide les menant sereins jusqu'à la mort qui les reçoit, ils regardent ébahis les autres, des fous ? des malheureux ?, qui zigzaguent en quête de quoi ? Si on leur dit que ces errants ne cherchent rien mais qu'ils acceptent telle quelle leur nature, qu'elle les conduise dans des chemins de bonheur et de souffrance, ils ne veulent pas, ces paisibles, entendre de pareilles monstruosités. Ils remercient le sort qui les fait passer sans heurts de la mer calme du ventre maternel aux silencieuses pelouses de l'éternité.Le narrateur de ces nouvelles n'a pas cru devoir se refuser le droit de dévier à sa guise. Ses écarts d'écriture, même s'ils déconcertent, exprimeront peut-être une vérité. Il n'a voulu parler de la Corse qu'ainsi, avec un amour qui ne mente pas, en souffrant de voir ses défauts, même les infimes, ressassés et ses plus hautes vertus passées sous silence.